La protection par le secret - Ouest Valorisation

Infos juridiques

La protection par le secret

Pendant longtemps, la protection du savoir-faire était limitée. Le détenteur d’informations secrètes avait la capacité d’engager :

  • Une action en responsabilité civile sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme,
  • Une action pénale, par exemple sur le fondement du vol.

Cependant, aucune protection spécifique n’était prévue par le droit et aucune définition précise des informations pouvant être protégées au titre du savoir-faire n’existait. 

Venant combler ce besoin de protection accru par l’industrie et l’écosystème de l’innovation, l’Union Européenne a adopté en 2016 une directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites – directive 2016/943. Cette directive, permettant une uniformisation des pratiques au niveau européen, a été transposée en France en 2018 dans le Code de Commerce.

Le secret des affaires – une protection renforcée

Les informations visées par le secret des affaires

L’article L151-1 du Code de Commerce indique qu’une information, pour pouvoir être protégée par le secret des affaires, doit répondre aux trois critères cumulatifs suivants :

  • Elle ne doit pas être généralement connue ou aisément accessible pour des personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité,
  • Elle doit revêtir une valeur commerciale, même potentielle, par le fait d’être secrète,
  • Elle doit avoir fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour demeurer secrète.

Les mesures de protection devant être prises ne sont pas listées par la loi – on peut cependant imaginer des mesures de sécurité physique ou informatique (contrôle de l’accès aux locaux, accès au réseau sécurisé…) ou des mesures organisationnelles (formation du personnel, restreindre l’accès à certains postes).

Qui bénéficie de la protection ?

L’article L151-2 du Code de Commerce prévoit de manière lacunaire qu’est « détenteur légitime d’un secret des affaires celui qui en a le contrôle de façon licite ».

La seule condition réside donc dans le fait d’avoir en tout état de cause obtenu l’information de manière licite.

L’article L151-3 précise qu’est licite l’obtention d’une information par :

  • La découverte ou la création indépendante,
  • L’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit/objet mis à la disposition du public et acquis licitement – sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant l’obtention du secret.

NB : Ce second point permet de comprendre l’intérêt des clauses interdisant au partenaire la rétro-ingénierie dans les accords de confidentialité ou contrats de collaboration.

Les atteintes au secret des affaires

A l’inverse de l’obtention licite détaillée ci-dessus, la loi prévoit une liste de ce que sont des atteintes illicites au secret des affaires.

Constitue donc une atteinte illicite, comme détaillé aux articles L151-4, L151-5 et L151-6 du Code de Commerce :

  • L’obtention d’un secret sans le consentement de son détenteur si elle résulte :
    • D’un accès non autorisé à un document, objet, matériau, substance ou fichier numérique – ou d’une copie de ces éléments,
    • De tout comportement considéré comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale,
  • L’obtention d’un secret de la part d’une personne soumise à une obligation de confidentialité qu’elle ne respecterait pas.
  • La production, l’offre, la mise sur le marché, l’importation/exportation et même le stockage d’un produit résultant d’une atteinte au secret des affaires,
  • L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est également illicite lorsque la personne savait ou aurait dû savoir, au regard des circonstances, que le secret a été obtenu, directement ou indirectement d’une autre personne l’utilisant de manière illicite.

Néanmoins, comme pour les demandes de brevets pour lesquelles il existe des dérogations au principe de monopole (par exemple pour les brevets intéressant la défense, qui peuvent être préemptés par l’Etat), le législateur a prévu des exceptions légales au principe du secret des affaires.

Des exceptions à la protection

Les articles L151-7, L151-8 et L151-9 du Code de Commerce prévoient des exceptions à la protection par le secret des affaires. Ainsi cette protection ne sera pas utilisable dans les cas suivants :

  • Lorsque l’obtention du secret est requise ou autorisée par le droit de l’UE, les traités internationaux ou le droit national – notamment pour les pouvoirs d’enquête, de contrôle d’autorisation et de sanction,

On pense notamment ici aux réglementations exigeant d’une entreprise qu’elle divulgue des informations précises, comme pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament, du marquage CE d’un dispositif médical ou la divulgation de spécifications pour s’assurer du respect des normes par un équipement électronique par exemple.

  • Lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation a eu lieu :
    • Pour exercer le droit à la liberté d’expression, le respect de la liberté de la presse et la liberté d’information,
    • Pour révéler, dans un but d’intérêt général, une activité illégale ou un comportement répréhensible dans le cadre du droit d’alerte,
    • Pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’UE ou le droit national.

Ces exceptions ont été ajoutées dans un second temps par le législateur européen – puis précisées par le législateur français, afin de protéger plus efficacement les lanceurs d’alerte, en particulier à la suite d’inquiétudes exprimées par les journalistes.

Par ailleurs, l’article L151-9 prévoit également que le secret ne peut pas être opposable dans le cadre du droit à l’information et à la consultation des salariés – par exemple dans le cadre des consultations annuelles obligatoires en entreprises, ou lorsque la divulgation a été faite par des salariés à des élu.es du personnel ou à leurs représentants – par exemple aux représentants du Comité Social d’Administration (CSA).

Quels moyens d’action en cas d’atteinte illicite ?

Le détenteur d’un secret des affaires victime d’une atteinte illicite peut intenter une action en responsabilité civile, qui lui permettra d’obtenir des dommages et intérêts, fixés par le juge, mais potentiellement également, selon l’article L152-3 du Code de Commerce :

  • L’interdiction de la poursuite des actes d’utilisation du secret,
  • L’interdiction de la production, mise sur le marché ou produits résultant de l’utilisation illicite du secret, et le rappel des produits,
  • La destruction des documents ou objets contenant le secret,
  • La publicité de la décision de justice.

 

 

QUELLE PROTECTION A L’INTERNATIONAL ?

La directive 2016/943 impose à tous les pays de l’Union Européenne de se doter de dispositions législatives au moins aussi contraignantes que celles prévues dans la directive. Le secret des affaires est donc bien protégé et harmonisé au niveau européen.

Cependant, bien avant 2016, le besoin de protection avait déjà été identifié internationalement et avait fait l’objet d’une section spécifique dans l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), texte annexé à l’accord international instituant l’Organisation Mondiale du Commerce – OMC, adopté en 1994 et entré en vigueur le 1er avril 1995. Ainsi, dès 1995, l’accord sur les ADPIC prévoyait que les Etats membres de l’OMC devaient s’assurer que les personnes physiques ou morales puissent empêcher la divulgation, l’acquisition ou l’utilisation sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes des renseignements :

  • Secrets, c’est-à-dire non généralement connus des personnes appartenant aux milieux s’occupant généralement de ce genre de renseignement, ou ne leur soient pas aisément accessibles,
  • Aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets,
  • Aient fait l’objet, par leur détenteur, de dispositions raisonnables pour les garder secrets.

On retrouve bien ici l’esprit ayant présidé à la définition par le législateur européen du secret des affaires.

Par ailleurs, aux Etats-Unis par exemple, le secret des affaires (Trade Secrets) est protégé depuis l’adoption de l’Economic Espionage Act en 1996.

 

AUTRES PROTECTIONS

Dans le cadre de négociations contractuelles, l’article 1112-2 du Code Civil prévoit qu’une personne qui utilise ou divulgue une information confidentielle obtenue lors des négociations engage sa responsabilité.

Le droit protège de nombreux autres types de secrets, bien spécifiques –par exemple :

  • Le secret professionnel de certaines professions : le secret médical pour les professionnels de santé, le secret professionnel des avocats ou des banquiers.
  • Le secret de l’instruction, qui doit être respecté dans le cadre de toute instruction judiciaire.

La protection juridique offerte aujourd’hui par le secret des affaires est intéressante et nécessite d’être considérée au moment où la valorisation d’une innovation est envisagée.

Contactez-nous

Vous avez un projet innovant ? Laissez-nous vous aider à le concrétiser

Parlez-nous de votre projet